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Utiliser des terres pour les loisirs, une artificialisation qui ne dit pas son nom

Acheter un terrain agricole pour y installer seulement une caravane fait partie des usages détournés dénoncés par la Safer.

Le détournement d’usage des terres agricoles pour des activités de loisirs, notamment, est loin d’être anodin, selon les Safer.

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17 300 hectares, c’est la surface de terres agricoles retirées en 2022 à l’agriculture pour un changement d’usage, le plus souvent pour des activités de loisirs. Si c’est moins qu’en 2021, cette surface est croissante depuis 2015, et a atteint un pic à 18 00 hectares en 2021, selon les données de la Safer. L’attrait pour la campagne à partir de la crise du Covid a joué un rôle dans cette progression.

C’est ce que la Safer appelle une « consommation foncière masquée », car il n’y avait pas jusqu’à récemment d’observations pour évaluer ce phénomène. Une nouvelle forme d’artificialisation des sols, selon les Safer, alors que la France s’est fixée des objectifs ambitieux pour limiter la consommation de surfaces agricoles, naturelles et forestières.

Un phénomène qui ne touche pas toutes les régions

Cela concerne des terres agricoles dont l’usage est détourné pour du loisir ou autre. Ce peut-être pour y installer un poney ou un cheval, une caravane, un parcours de golf ou de motocross. « En général, ces parcelles sont achetées plus cher que pour un usage agricole, explique Nicolas Agresti, directeur du service des études, de la veille et des prospectives de la Fédération nationale des Safer (FNSafer) lors d’une conférence organisée le 27 février 2024 au Salon international de l’agriculture. Cela concerne essentiellement la côte atlantique et méditerranéenne, ainsi que les secteurs bocagers et herbagers où le foncier est morcelé. Ce qui touche particulièrement l’Ouest. » Certaines régions restent épargnées comme l’Île-de-France ou les régions où « l’agriculture est plus installée comme la Bretagne ou la zone céréalière du nord de la France », souligne Nicolas Agresti.

Ces terres échappent aussi à l’agriculture en raison de la spéculation sur laquelle parient des propriétaires. Regrettant que leur terrain ne soit pas constructible, ils préfèrent l’affecter à du loisir plutôt qu’à l’agriculture en espérant qu’il devienne un jour un terrain à bâtir avec une valeur bien supérieure. Un phénomène observé par Bertrand Lapalus, président du comité technique de la Safer de la Loire.

« Nous ne pouvons pas jouer au Monopoly »

Si les Safer ont un droit de préemption en cas de vente, c’est aussi le cas des collectivités. La Safer a d’ailleurs développé l’outil Vigifoncier qui permet aux collectivités d’être notifiées rapidement des projets de vente de biens agricoles sur leur territoire. Mais il n’est pas toujours facile pour les mairies de trouver les fonds nécessaires.

« Nous ne pouvons pas jouer au Monopoly et tout préempter, explique Jean-Michel Morer, maire de Trilport, une ville de près de 5 000 habitants en Seine-et-Marne qui doit aussi faire face à des occupations illicites de terrain. Des terrains sont vendus à 400 000 euros sur notre commune. »

« Nous ne sommes pas opposés à ce que tous nos concitoyens aient des espaces et jardins. Les jardins partagés sont une réponse à ce besoin », plaide Emmanuel Hyest, le président de la FNSafer. S’il n’est pas non plus favorable à ce que seuls les agriculteurs soient en droit d’acheter des terres agricoles « comme c’est le cas dans d’autres pays européens », il réclame un contrôle de l’usage. « Un véritable enjeu de souveraineté alimentaire », estime-t-il.

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